
Bienvenue à Maurice ! Vous venez d'atterrir, vous avez encore les jambes gonflées et le nez brûlé par l'air conditionné de l'avion, et vous vous dites : «ÌýMaintenant, je mange local.Ìý» Erreur numéro un : croire que vous allez « tester la street food mauricienne » comme on goûte un petit taco végé dans le Marais. Non ! Ici, manger local, c'est tout un art. Une immersion culturelle. Une initiation spirituelle. Un rite de passage. Une épreuve parfois. On ne plaisante pas.
Le roti : votre futur petit déjeuner, déjeuner, goûter, dîner
Au début, vous serez sceptique. «ÌýC'est quoi, ce truc tout mou, roulé dans du papier, avec de la sauce qui coule partout ?Ìý» C'est un roti, et vous allez devenir accro. Sorte de crêpe fine (à base de farine, eau, huile et patience), cuite sur une plaque chaude et garnie de cari, rougaille et gros pois, le roti est la base. La vie. Le socle de tout expat qui se respecte.
Attention : le roti est souvent épicé. Même si on vous dit «Ìýun peu seulementÌý».
Les bonnes adresses : Pabs Palace à Curepipe, Chez Bye à Rose-Hill, Roti Aka Vinoda à Flic-en-Flac
Le dholl puri : la rolls des galettes
Cousin plus noble (et plus fariné) du roti, le dholl puri est LA spécialité street food de Maurice. C'est une galette fine, farcie de pois cassés réduits en poudre, roulée avec (généralement) :
- Rougaille ;
- Cari de légumes ;
- Achards de légumes (attention, certains achards peuvent réveiller vos ancêtres) ;
- Une cuillerée de «ÌýsatiniÌý» (chutney pimenté), souvent glissée en douce même quand vous avez dit «Ìýpas piquant s'il vous plaîtÌý».
On vous la sert en paire, dans un papier ciré, avec de la sauce qui tente de s'échapper par tous les côtés.
Conseil de survie : ne jamais manger un dholl puri en chemise blanche.
​​Le farata : le cousin rebelle du dholl puri
Le farata, lui, c'est le cousin rock'n'roll. Même base que le dholl puri (une galette bien grasse qui claque dans la poêle), mais sans la purée de pois cassés à l'intérieur. Et avec plus de style. Plus épais, plus moelleux, plus croustillant sur les bords, le farata est bien doré et luisant d'amour. À l'intérieur, on peut mettre de la viande, du poisson, des achards, et bien sûr, du piment.
Les boulettes : petits trésors flottants
Quand vous entendrez parler de «ÌýboulettesÌý», ne vous attendez pas à des trucs secs façon Ikea. À Maurice, les boulettes, ce sont de petites merveilles à base de poisson, viande ou légumes, cuites à la vapeur, servies dans un bouillon ou avec des sauces maison (sauce soja, sauce piment, sauce ail...). Elles se commandent au détail, comme des bonbons. Et attention, c'est addictif. Vous commencez avec 5. Puis vous en recommandez 8. Puis vous réalisez que vous venez de manger 17 boulettes.
Spot culte : Ti Kouloir à Grand-Baie, et sur la plage de Flic-en-Flac et à côté de la gare d'Albion.
Le mine frit et le mine bouille : ces plats qui vous suivent dans vos rêves
Ah, le mine frit. Nouilles sautées au wok avec Å“uf, légumes, viande, poisson ou fruits de mer. Ajoutez des sauces selon votre tolérance au feu. Et surtout, mangez-le avec des baguettes si vous voulez impressionner (ou avec une fourchette si vous avez un rendez-vous galant après). Petit plus : demandez uneÌýmine frite poulet-Å“uf et arrosez-la d'une sauce à l'ail, et vous ne serez plus jamais la même personne.
Le mine bouilli est composé des mêmes ingrédients que le mine frit, sauf qu'ici, tout est plongé dans un bouillon. C'est cette différence qui change tout. Les nouilles deviennent moelleuses ; elles absorbent le goût du bouillon. Une texture réconfortante, une chaleur qui vous réveille doucement et une impression immédiate de réconfort !

Le bol renversé : l'œuvre d'art culinaire acrobatique
Le bol renversé. Ce n'est pas qu'un plat, c'est une performance artistique. Une montagne de riz sauté, nappée d'une sauce brune onctueuse, agrémentée de légumes croquants, champignons noirs, morceaux de viande ou de fruits de mer, un œuf au plat posé sur le dessus... le tout renversé comme un sablier, dans une assiette. Oui, REN-VER-SÉ. Et quand le serveur arrive et soulève le bol dans un geste théâtral millimétré, silence dans la salle. Applaudissements intérieurs. Vos papilles font une standing ovation.
Le briani : votre ticket pour une sieste immédiate
Le briani (ou biryani, pour les puristes) est une bombe calorique, affective et culturelle. Riz parfumé, pommes de terre fondantes, épices entières, viande (poulet, bÅ“uf ou agneau), parfois Å“uf dur… le tout cuit à l'étouffée avec amour et sueur. C'est LE plat des grandes occasions, des mariages, des dimanches, des «Ìýviens lakaz mo mamaÌý».
Astuce : ne le mangez pas avant un rendez-vous important. Ce plat vous est envoyé directement en PLS.
Rougaille : la base tomate-oignon qui va changer votre vie
Le rougail, c'est LA sauce à tout faire. Tomates, oignons, ail, gingembre, parfois des herbes, du thym, du piment… c'est la ratatouille qui a pris l'avion, perdu sa timidité et trouvé un job dans l'hôtellerie.
Il accompagne :
- Saucisses (rougaille saucisse) ;
- Poisson salé (préparez vos narines) ;
- Œufs (oui, oui, et c'est délicieux) ;
- Bœuf, poulet, tofu, camarons (grosses crevettes).
C'est simple, tout devient meilleur avec un bon rougail.
Vindaye : pour les estomacs aventureux
Le vindaye est un plat mariné et légèrement vinaigré, souvent à base de poisson (ou d'ourite = poulpe), avec de la moutarde, des graines de moutarde, du curcuma, des oignons, de l'ail et de l'huile. On le mange froid, souvent avec du riz blanc. Et on se dit qu'on a atteint un niveau supérieur de maturité gustative. Préparez-vous à l'explosion en bouche… et à l'haleine post-apéro.
Kari ourite (cari d'ourite) : la poésie du poulpe
L'ourite (poulpe) est un ingrédient phare à Maurice. Elle se décline en :
- Cari ourite : cuisson lente, sauce épicée
- Vindaye ourite : version vinaigrée
- Ourite grillé : pour les puristes
C'est un plat des côtiers, souvent dégusté avec les doigts, les pieds dans le sable, et un rhum pas loin.
Bonnes adresses : Taste of Freedom à Mahébourg, Chez Varsha & Linley ou Chez Marie-Noëlle à Poste de Flacq

Achards : les pickles qui piquent
Un accompagnement incontournable ! Les achards de légumes, ce sont des carottes, haricots verts, chou, papaye verte ou mangue, marinés dans de l'huile, du vinaigre, du piment, des graines de moutarde. Ça pique, ça croque, ça réveillera un dholl puri un peu timide ou un riz trop blanc.
Variante redoutable : achard de mangue. Vous êtes prévenu.
Vous trouverez des achards dans les restaurants, les marchés et supermarchés. Et bien sûr dans le frigo de la plupart de vos amis mauriciens.
Les snacks sucrés (et souvent fluorescents)
Impossible de finir sans parler des douceurs locales :
- Gato coco : à base de coco râpée, sucre et lait condensé. Attention aux caries.
- Gato patate : sucrerie traditionnelle à la patate douce farcie à la noix de coco.
- Poutou, ladoo, barfi, jalebi : héritage indien, explosion de sucre garantie.
- Gato zinzli (sésame noir), gato pistache : héritage chinois.
- Napolitain est un petit sablé mauricien garni de confiture et couvert d'un glaçage rose, fondant et sucré. La nouvelle tendance : les napolitains à la saveur ananas arrosés de sel et de piment.
- Puits d'amour : une pâtisserie mauricienne composée d'une petite coque de pâte croustillante remplie de crème onctueuse, puis légèrement sucrée sur le dessus.
Conseil : mangez d'abord, posez les questions après.
Bonus : le piment, une arme souriante
On vous dira souvent : «ÌýC'est pas trop piquant.Ìý» Ne les croyez jamais. La tolérance au piment mauricien est un pouvoir qui ne vous a pas été transmis génétiquement. Même si vous êtes Corse. Même si vous avez fait un stage au Mexique.
Conseil : commencez sans. Puis ajoutez une mini-goutte. Puis courez boire un alouda si vous avez été trop téméraire.
Où manger tout ça sans se tromper ?
En tant que nouvel arrivant, vous allez vite apprendre à distinguer :
- Le snack qui fume = bon signe
- La gargote blindée de Mauriciens = courez-y
- Le resto vide avec un panneau «ÌýAuthentic local cuisineÌý» = fuyez
Pas besoin de TripAdvisor. Faites confiance à vos yeux, à votre nez et à la file d'attente. Si ça sent bon, c'est bon.
Parler un peu créole mauricien vous ouvrira bien plus de portes qu'une carte de crédit en platine. Rien que de dire «Ìýbonzour, mo oule ene dholl puriÌý», et vous verrez le sourire sur le visage du vendeur. Et si vous n'y arrivez pas, ce n'est pas grave. Il vous servira quand même. Mais vous manquerez le clin d'Å“il complice, et la boulettes gratuite offerte «ÌýzisÌýpou ouÌý».
À Maurice, on ne mange pas juste pour se nourrir. On mange pour rencontrer. Pour découvrir. Pour rire. Pour pleurer un peu aussi, à cause du piment.
Apprenez à manger avec les doigts, à utiliser 17 serviettes en papier pour un seul dholl puri, à dire «ÌýmmmÌý» avec la bouche pleine, à commander au bord de la route sans honte, à dire «ÌýencoreÌý» sans regret.
Et surtout, n'oubliez jamais : le vrai passeport de l'expat à Maurice, ce n'est pas votre visa, c'est votre estomac.



















